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Gérer le changement autant que sa finalité

Le thème du changement est toujours aussi présent dans nos milieux de travail, personne ne semble échapper aux modifications de son environnement professionnel. Cependant, je constate qu’on confond souvent le changement avec sa finalité.

Dans un billet précédent, mon collègue, Robert Dolbec, expliquait les phases d’adaptation au changement et le volet gestion de projet qui est partie inhérente de chaque changement. Comme ce sujet continue d’intéresser nos lecteurs, j’ai choisi d’ajouter quelques éléments complémentaires.

Règle générale, on définit le changement comme le passage d’un état à un autre. Personnellement, je préfère la définition utilisée en physique où on précise que le changement est le passage d’un point d’équilibre à un autre. Cette définition m’apparaît plus utile pour traiter de la résistance au changement. En effet, pour l’individu qui le vit ou le subit, le changement est le  passage d’un point d’équilibre stable à un nouvel équilibre sensé être aussi stable. La transition entre les deux équilibres s’annonce généralement comme une période d’instabilité. Ce mouvement souligne le volet dynamique de la gestion du changement et commence à expliquer le phénomène de résistance.

En session de formation, je constate que les gestionnaires  cherchent surtout à gérer la finalité du changement (le nouvel équilibre souhaité) plutôt que de chercher à gérer le passage vers ce point d’équilibre. Beaucoup de participants croient que le phénomène de résistance est toujours présent dès qu’il y a changement. Je réplique que si on leur annonçait une substantielle augmentation de leur rémunération, ils éprouveraient de la surprise mais pas de la résistance. C’est la perte ou le sentiment de perte que vit la personne touchée par le changement qui explique le phénomène de résistance. L’individu doit donc quitter un point d’équilibre qui constitue une zone de confort pour affronter une zone de turbulence et atterrir ensuite dans un nouvel équilibre sensé lui fournir une nouvelle zone de confort. Il n’y aura pas de résistance s’il n’y a pas de perte. Pour les personnes touchées, ces pertes sont déjà faciles à anticiper: perte de compétence, perte d’efficacité, erreurs, etc.

Bref, la gestion du changement (ce terme est de plus en plus remplacé par conduite du changement) a pour cible le fameux passage entre deux points d’équilibre. La finalité (ou nouvel équilibre) quant à elle est la zone d’intervention de la gestion de projet. Pour aider à atteindre la finalité du changement, il faut accompagner les individus pour les aider à franchir avec succès ce moment de passage caractérisé par un moment de déséquilibre.

Syndromes de démotivation


gastonMon travail m’amène à côtoyer des gens de plusieurs entreprises et de tous les milieux. Les préoccupations pour la démotivation demeurent  parmi les plus répandues.  Les échanges que j’ai eus avec des centaines de gestionnaires m’ont démontré qu’il est possible de reconnaître facilement la démotivation reliée aux  besoins relationnels et de développement insatisfaits. Presque partout où il y a de la démotivation, j’ai constaté deux phénomènes que j’ai nommés la déviation et le transfert, sans tenir compte de leur définition en psychologie et en psychanalyse.

D’abord, il faut situer les différents groupes de besoins de l’individu au travail.

Besoins et démotivation

D’abord les besoins existentiels, souvent appelés besoins de base. Ensuite, les besoins relationnels puis les besoins de développement. Plus les besoins d’une personne seront satisfaits dans son milieu de travail, plus elle sera motivée. En conséquence, la démotivation sera proportionnelle aux écarts entre les besoins d’une personne et les réponses que lui offre son milieu de travail. Dans la majorité des entreprises occidentales, des lois, des politiques, des conventions collectives encadrent les réponses que doivent fournir les entreprises  aux besoins existentiels de leur personnel. C’est donc plus au niveau des besoins relationnels et de développement que se situe la problématique de la démotivation, même si plusieurs insatisfactions sont formulées au niveau de la rémunération et des conditions de travail.

L’un des deux syndromes de démotivation que je rencontre est la déviation. Il s’agit d’une réaction qui amène un ou des employés qui ne réussissent pas à obtenir satisfaction de leurs besoins par des moyens positifs à utiliser des moyens négatifs pour y arriver. Par exemple, chez certains, des besoins relationnels non comblés par le gestionnaire peuvent se traduire par la création de clans, la génération de situations conflictuelles ou le négativisme chronique. Dans le cas de lacunes au niveau des besoins de développement, cela pourrait se traduire par des rumeurs, de la méfiance envers la gestion, des actes de sabotage, du ralentissement de travail, de l’absentéisme et/ou la confrontation de l’autorité du gestionnaire. Tous ces gestes sont les symptômes de la démotivation et signalent que les besoins des gens concernés ne sont pas satisfaits par la gestion.

Quant au second syndrome, que j’ai nommé transfert, il consiste à « transférer » l’insatisfaction vécue quant aux besoins relationnels ou de développement pour l’exprimer au niveau des besoins existentiels. Il s’agit donc d’exiger davantage d’incitatifs économiques pour compenser le déficit au niveau d’autres besoins. Ainsi, les employés enclins au phénomène de transfert exigeront de meilleures conditions de travail, de meilleurs salaires et/ou de meilleurs programmes organisationnels pour compenser leur insatisfaction et ce, même dans une entreprise offrant des conditions économiques au dessus de la moyenne. Même s’ils obtiennent le traitement supérieur demandé, l’insatisfaction reviendra rapidement, tout simplement parce qu’elle se situe à un autre niveau de besoins. Ils ne se considéreront jamais suffisamment rémunérés compte tenu de leurs autres besoins insatisfaits. Ce piège risque aussi de se refermer sur l’employé. Avec le temps, il n’osera plus quitter un emploi qu’il sait insatisfaisant. Les excellentes conditions économiques seront un boulet qui lui feront sans cesse remettre à plus tard sa démission pour aller vers un emploi plus satisfaisant dans un autre milieu.

C’est pour ces raisons qu’il est essentiel que le gestionnaire agisse sur la motivation de ses gens, en décodant leurs besoins relationnels et de développement, puis en cherchant dans l’environnement de travail des incitatifs pouvant les satisfaire, plutôt que de toujours tenter d’agir sur la motivation par des incitatifs économiques. Mieux vaut investir de l’énergie à motiver plutôt que d’en perdre  à contrecarrer les situations de déviation et de transfert.