Archives pour l'étiquette gestionnaires

La loi du moindre effort…

“Un dernier blitz… », « Il ne faut pas lâcher… », « Travaille fort… »

Ces bouts de phrase résonnent encore en moi, héritage de ma mère, soucieuse de me faire comprendre à l’époque, que si je voulais atteindre certains objectifs que je m’étais fixés, je devais fournir l’énergie requise pour y arriver, et ce même dans les situations où à mes yeux, aucune satisfaction immédiate n’y était associée.

Je l’entends encore me répéter : « Un dernier effort et ce sera terminé après… ». Lorsqu’elle utilisait le terme « effort », je savais qu’elle invoquait la portion « non plaisante » à laquelle je devais me soumettre, nécessaire à l’atteinte du résultat visé qui lui, me permettrait par la suite, de vivre un certain niveau de contentement.

Aujourd’hui, sans vouloir généraliser, je constate de plus en plus que le désir d’atteindre rapidement l’objectif, au moyen de raccourcis et de solutions de facilité, semble avoir pris le dessus sur le sens de l’effort de juste mesure, nécessaire à déployer pour y parvenir. Encore plus lorsque la finalité est obligée/imposée. Je n’ai qu’à observer mon fils, qui avec l’influence de l’argent et de la technologie entre autres, a compris assez vite que le concept du sens de l’effort pouvait être contourné.

« Pourquoi apprendre les règles grammaticales et d’orthographe papa, quand le logiciel Antidote peut nous aider à réviser nos documents et corriger nos erreurs ? »

« Pourquoi assimiler nos tables mathématiques papa, quand la calculatrice peut nous calculer en quelques « clics » combien font 538 x 234 ? »

La quête du plaisir aussi bien dans le moyen que la finalité est omniprésente. Va pour certaines situations, mais lorsque l’anticipation de l’effort requis influence le choix de l’objectif à atteindre, voire modifie celui-ci, il y a lieu de se questionner sur la pertinence de l’application de la loi du moindre effort…

Effort ne doit pas rimer avec souffrance, j’en conviens. D’ailleurs, l’expérience est remplie de situations où ça pourra être agréable, mais il y en aura aussi qui apporteront leurs lots d‘embûches. Par ailleurs, difficile pour moi, de conclure qu’un apprentissage, qu’un développement d’habiletés ou qu’un ajustement de comportement se fassent sans effort. Combien de grandes leçons de vie ont été réalisées dans l’adversité, lors de moments désagréables ou au travers de situations inconfortables ?

Cette loi du moindre effort, je l’observe de plus en plus lors de sessions de formation que j’anime. Par exemple, lorsque j’entends certains jeunes gestionnaires critiquer leurs supérieurs immédiats et vouloir rapidement occuper leurs fonctions de haut niveau sans avoir gravis les échelons, ni vécus multiples situations de gestion. Par exemple, lorsque certains gestionnaires ne veulent pas pratiquer, ni s’exécuter dans des mises en situation lors d’ateliers de formation, prétextant qu’ils ont bien compris et qu’ils n’ont pas besoin d’expérimenter avec leurs collègues, les techniques, les processus, les outils préalablement expliqués et démontrés.

Ces gestionnaires sont prêts à relever l’objectif d’occuper des fonctions de gestion plus importantes, mais ne reconnaissent pas l’importance d’investir temps et effort requis dans le développement et le perfectionnement de leurs compétences.

Ils seront de plus en plus nombreux en formation à vouloir accélérer leur processus d’apprentissage, à confondre la vitesse d’intégration du savoir, à celle du savoir-faire et savoir être et à se dire prêts à passer à la prochaine étape.

Nous, formateurs devrons alors être prêts à faire face à ce défi et leur rappeler que les meilleurs dans leur discipline, ont dû faire preuve de persévérance, d’acharnement, de patience, de ténacité… Et que pour développer des compétences, perfectionner des habiletés de gestion et améliorer des attitudes, la loi du moindre effort n’est pas applicable…

Un conflit, ça se prévient…

Récemment, un gestionnaire me demandait comment régler un conflit qui existait entre deux de ses employés. Il ne savait trop quoi faire, ni par quel bout commencer. Il ajoutait par la même occasion être « tanné » d’avoir à gérer ses employés comme si c’était « des enfants ».

L’un deux (Richard) avait décidé qu’il n’adressait plus la parole à son collègue (Steve), le privant ainsi des informations utiles et pertinentes habituellement communiquées lors de son changement de quart de travail avec ce dernier. Son motif invoqué : « Steve ne prend jamais le temps, à la fin de son propre quart de 12 heures, de nettoyer l’aire de travail et de replacer aux endroits prévus les outils et équipements utilisés. À mon arrivée sur la machine au début de mon quart, c’est le bordel et c’est moi qui dois accomplir la sale besogne de nettoyage qu’il n’a pas complétée avant de quitter. Assez, c’est assez ! » Une petite « guéguerre » personnelle s’était donc déclarée et certains membres de l’équipe avaient même commencé à prendre position pour l’un ou pour l’autre.

Voilà un exemple typique de situation où un conflit aurait pu être évité, si le gestionnaire était tout simplement intervenu plus rapidement auprès de Steve dans une perspective de gestion de sa performance. Tout ce qui a maintenant l’apparence d’un conflit, et qui nécessitera assurément le déploiement de l’artillerie lourde, aurait pu être traité plus facilement avec une simple intervention de feedback constructif dès la première observation de l’écart.

Voilà le lot de plusieurs gestionnaires qui choisissent tantôt  de « fermer » volontairement les yeux sur des situations qu’ils considèrent banales, tantôt de tolérer certains écarts en assumant qu’ils disparaîtront d’eux-mêmes. Agissent-ils ainsi par manque de connaissance des effets possibles qu’une telle décision peut générer ? Agissent-ils ainsi par manque d’habiletés à intervenir dans des situations délicates impliquant des écarts de performance ? Agissent-ils ainsi pour préserver leur autorité relationnelle auprès des individus visés par l’écart de performance ?

Chose certaine, en agissant ainsi, ils oublient une partie fondamentale de leur rôle qui est entre autres, de gérer la performance de leur personnel au quotidien, ce qui veut dire de :

  1. Préciser ses attentes en termes de comportements et résultats attendus (performance et rendement);
  2. Communiquer celles-ci aux membres de son équipe de façon claire, précise, motivante, en utilisant préférablement des exemples;
  3. Expliquer les raisons et les motifs (le pourquoi) justifiant l’importance de rencontrer les attentes définies;
  4. S’assurer de l’adhésion des membres de son équipe vis-à-vis les attentes communiquées et obtenir leur engagement;
  5. Mesurer au quotidien la performance réalisée et le rendement obtenu;
  6. Lorsqu’il y a concordance entre ce qui est réalisé et ce qui était attendu, le mentionner à l’employé de façon à renforcer le comportement observé;
  7. Lorsqu’il y a écart négatif entre ce qui est réalisé et ce qui est attendu, le mentionner à l’employé de façon constructive et le responsabiliser dans la recherche de solutions visant à améliorer, modifier, voire corriger le comportement déviant. Convenir d’un suivi éventuel et en profiter à ce moment pour reconnaître l’amélioration, s’il y a lieu.

Si le gestionnaire avait agi ainsi au départ avec les membres de son personnel, et qu’il était intervenu auprès de Steve dès la première observation quant à son éthique de nettoyage et de rangement des outils, il aurait sans aucun doute éviter que Richard s’en mêle, que la situation dégénère et qu’elle prenne de telles proportions.

Se pourrait-il que gérer la performance de nos employés s’apparente grandement au rôle d’un parent qui éduque ses enfants ??