« Une grande partie des salariées qui quittent leur emploi dans la cinquantaine et la jeune soixantaine continuent d’avoir un travail rémunéré, montre une vaste enquête de Statistique Canada cette semaine. La plupart des gens qui se retirent du marché du travail dans la cinquantaine le font parce que leur emploi ou que leur situation financière le leur permettent, et non parce qu’ils sont usés ou dépassés par la tâche. »
Ariane Krole, La Presse, 31 janvier 2014
Voici une réalité que nous n’avions pas imaginée il y a 20 ans, mais qui se manifeste de façon de plus en plus courante dans cette deuxième décennie du 21e siècle. Il commence à être temps que nous réajustions nos idées préconçues au sujet de l’âge qui est en train de venir s’inscrire entre ce que nous qualifions alors de « âge adulte » et cette autre période de vie que nous avions affectueusement appelée « âge d’or ».
Cette nouvelle période de vie que je vais nommer pour la grande majorité de ces jeunes retraités «âge des choix de vie ». En effet, la conjoncture actuelle est unique pour ce groupe d’âge qui a consacré sa vie adulte à un emploi rémunéré dans une organisation. Des travailleurs qui ont quitté avec un fond de pension raisonnable, des enfants autonomes et un contexte social pour le moment assez supporteur de ses aînés.
Au-delà de 90 % des Canadiens croient pouvoir compter sur leurs revenus de retraite gouvernementaux pour poursuivre doucement leur vie plus calme maintenant. Ce qui n’empêche pas 80 % d’entre eux de rester sur le marché du travail pour toute sorte de raisons qui ne sont pas qu’économiques. Tandis que 45 % de ceux et celles qui sont partis entre 60 et 64 ans ont fait de même toujours selon l’article de La Presse.
Je dirais que nous sommes face à une redéfinition de l’expression classique des années 70 : « Liberté 55 ». Près de 50 ans plus tard, elle peut plutôt vouloir dire : libre 55 % du temps et encore attaché à un travail 45 % du temps; ou vice versa. Ce qui importe, c’est que ce « travailleur par choix » aura une perception du travail et de sa contribution à l’entreprise différente de celle qu’il avait auparavant.
D’un point de vue personnel, ce nouveau travailleur par choix aime se considérer libre de s’offrir un emploi du temps qui lui apportera plus de divertissement, plus de défis, plus de bénéfices ou plus de plaisir. Ou tout simplement un désengagement progressif pour favoriser une transition plus douce vers ses nouveaux choix de vie active.
Point de vue des fournisseurs de services
Les résultats d’une recherche récente de Desjardins Assurances révèlent que « 86 % des travailleurs canadiens souhaitent une transition graduelle » plutôt qu’une cassure brusque de leur activité professionnelle au moment de la retraite. Une perspective que nous imaginions il y a 25 ans chez COSE et qui finalement devient possible. Je me souviens des discussions que nous avions où nous considérions qu’un travailleur acceptait progressivement de plus en plus de responsabilités pendant les 10-15 premières années puis se retrouvait dans un mode de contribution optimale pendant les 30-35 années suivantes. Puis le couperet tombait : la montre en or et la série de chèques de pension jusqu’à ce que mort s’ensuive. Ce qui ne manquait pas de se produire plus tôt que prévu pour plusieurs d’entre eux.
Nous cherchions des moyens d’atténuer ce choc brutal, mais cela restait au niveau des rêves de jeunes consultants en D.O. Les entreprises toujours en plein essor économique, fin 70, début 80, trouvaient inutilement complexe à gérer ce désengagement progressif des employés vers leur période de retraite.
Finalement, ce n’est pas la créativité des consultants qui a produit le changement, c’est l’évolution de la conjoncture du marché du travail et de l’emploi. L’espérance de ces travailleurs nouvellement mis à la retraite, de poursuivre une vie active au rythme qu’ils choisiront, combinée à la pénurie de main-d’œuvre qui se dessine pour les prochains 10 ans au pays, crée enfin les conditions favorables à la réalisation de cette transition plus saine de fin de carrière dont nous rêvions alors. Au fur et à mesure que la pression des départs massifs des baby-boomers se fait sentir, les entreprises commencent à faire cette réflexion et à proposer des contrats de travail qui répondront mieux à de nouvelles exigences de leurs employés les plus précieux.
« Il existe de nombreuses façons créatives de rassembler les différentes générations qui composent un effectif afin de tirer le meilleur de tous les employés et de gérer la pénurie de main-d’œuvre qualifiée à venir. Les employeurs qui élaborent une stratégie proactive en matière de retraite progressive seront beaucoup mieux outillés pour les années à venir. »
Angela Iermieri, Desjardins Assurances, 17 janvier 2013
Point de vue des demandeurs de service
« Dans les compagnies d’assurance, on verra de plus en plus au cours des prochaines années deux, trois ou même quatre retraités se partager le même poste », annonce Jean-François Boulet, vice-président aux ressources humaines et communications à l’Industrielle Alliance. »
Jean-François Barbe, LesAffaires.com, 4 février 2013
Imaginons, par exemple, un poste de comptable d’une compagnie d’assurance de Québec. De mai à novembre, il sera occupé par une retraitée de la fonction publique, qui passera ses hivers dans le Sud. L’automne venu, un autre retraité prendra la relève, frais et dispos puisqu’il aura passé son été au chalet familial. En revanche, ce retraité ne voudra travailler que les lundis, mardis et mercredis. C’est pourquoi un troisième retraité occupera ce même poste de comptable les jeudis et vendredis; ce qui lui conviendra à merveille puisqu’il est un amateur de golf et que les départs aux heures qu’il préfère sont plus accessibles en début de semaine!
Monsieur Boulet précise que ce scénario n’est pas de la fiction puisque c’est ce qui se vit déjà à l’Industrielle Alliance depuis quatre ans déjà. Madame Anne-Marie Deschênes de l’Association de la relève en assurance du Québec pour la région de Montréal cible les « jeunes retraités » comme l’une des principales sources de la relève dans son domaine dans le même article : Recruter les têtes grises.
50 ans plus tard, le rêve d’un petit groupe de consultants de COSE à fait son chemin. Il suffisait que la conjoncture le permette. La demande et l’offre se rencontrent finalement pour faire en sorte que les « jeunes retraités », une expression nouvelle elle aussi, réinventent leur « vie active; après leur carrière professionnelle. » Une période de vie où la liberté de choisir son horaire de travail va altérer la perception que nous avons de la notion de travail. Une période de vie au travail où le souci de bien-être de l’être humain pourra être mieux conjugué avec le souci de productivité de l’entreprise; un objectif souhaitable du point de vue du Développement organisationnel.
Philippe-André Pelletier, conseiller COSE
Organisation du travail , capital humain, retraite active,