Pour que leurs bottines suivent vos babines

Le gestionnaire leader a comme défi quotidien d’amener son entourage à agir selon sa vision et ses orientations. Pour y arriver, il doit influencer. Les experts parlent généralement de trois sources d’influence pour un gestionnaire : le pouvoir hiérarchique, le pouvoir de compétence et le pouvoir relationnel. Mais ces modèles négligent un quatrième pouvoir : le pouvoir de référence. Ce concept est moins utilisé actuellement qu’au siècle précédent, probablement parce que les travaux de French et Raven datent de 1979 et qu’aujourd’hui, beaucoup de gens préfèrent ce qui est nouveau et récent.

Selon ces auteurs, le pouvoir de référence du leader est fondé sur sa capacité d’influencer les autres parce qu’il est  pour eux un sujet de référence, d’admiration ou d’identification. La personne qui jouit de ce pouvoir inspire les autres en donnant l’exemple. Pour influencer, cette personne ne fait pas que parler, elle passe à l’action et agit de manière congruente avec ses paroles. Bref, elle est un modèle à suivre.

Le point de vue de French et Raven n’est peut-être pas si dépassé que certaines personnes croient, puisque la neurologie vient maintenant supporter leur vision de ce qui amène les autres à imiter le leader .

Récemment, j’écoutais avec beaucoup d’intérêt l’entrevue du neuropsychiatre Jean-Michel Oughourlian à Radio-Canada. Il résumait ses découvertes sur « le troisième cerveau ». Les deux premiers cerveaux sont bien connus :  le cerveau cognitif et le cerveau émotionnel. Le troisième cerveau est le « cerveau mimétique », celui de l’imitation. Son fonctionnement repose sur ce qu’il nomme les « neurones miroirs » qui nous amènent à désirer ce que désire une autre personne et à l’imiter pour y arriver.  En effet, les recherches récentes ont démontré que les mêmes zones du cerveau d’une personne sont activées si elle fait une action ou si elle regarde une autre personne faire la même action. Lorsque vous regardez quelqu’un manger, vous activez les mêmes zones de votre cerveau que si vous mangiez.

L’auteur et chercheur  ajoute que non seulement nous apprenons en imitant, mais qu’à la base, nous sommes programmés pour imiter. Cela signifie que si nous repérons dans notre environnement une personne pouvant nous servir de modèle, nous aurons tendance à l’imiter pour obtenir ce que cette personne possède ou vit. Les gens de marketing se basent probablement sur cette tendance humaine à imiter lorsqu’ils cherchent à nous proposer des modèles pour que nous adoptions ce qui est sensé être le meilleur produit.

Si les neurones miroirs jouent le rôle fondamental que leur accorde Oughourlian, cela signifie que le pouvoir de référence serait une source d’influence capitale et puissante pour un gestionnaire leader qui saura être une source d’inspiration et un modèle pour ses collègues. Cette personne arrivera à un haut degré d’influence puisque son entourage cherchera, consciemment ou non,  à l’imiter dans ses comportements et adhérera à sa vision du milieu de travail. Mais, pour être un modèle, le leader doit lui même agir de manière congruente avec ses paroles. Finalement, c’est d’abord au leader de faire en sorte que ses bottines suivent ses babines.

La loi du moindre effort…

“Un dernier blitz… », « Il ne faut pas lâcher… », « Travaille fort… »

Ces bouts de phrase résonnent encore en moi, héritage de ma mère, soucieuse de me faire comprendre à l’époque, que si je voulais atteindre certains objectifs que je m’étais fixés, je devais fournir l’énergie requise pour y arriver, et ce même dans les situations où à mes yeux, aucune satisfaction immédiate n’y était associée.

Je l’entends encore me répéter : « Un dernier effort et ce sera terminé après… ». Lorsqu’elle utilisait le terme « effort », je savais qu’elle invoquait la portion « non plaisante » à laquelle je devais me soumettre, nécessaire à l’atteinte du résultat visé qui lui, me permettrait par la suite, de vivre un certain niveau de contentement.

Aujourd’hui, sans vouloir généraliser, je constate de plus en plus que le désir d’atteindre rapidement l’objectif, au moyen de raccourcis et de solutions de facilité, semble avoir pris le dessus sur le sens de l’effort de juste mesure, nécessaire à déployer pour y parvenir. Encore plus lorsque la finalité est obligée/imposée. Je n’ai qu’à observer mon fils, qui avec l’influence de l’argent et de la technologie entre autres, a compris assez vite que le concept du sens de l’effort pouvait être contourné.

« Pourquoi apprendre les règles grammaticales et d’orthographe papa, quand le logiciel Antidote peut nous aider à réviser nos documents et corriger nos erreurs ? »

« Pourquoi assimiler nos tables mathématiques papa, quand la calculatrice peut nous calculer en quelques « clics » combien font 538 x 234 ? »

La quête du plaisir aussi bien dans le moyen que la finalité est omniprésente. Va pour certaines situations, mais lorsque l’anticipation de l’effort requis influence le choix de l’objectif à atteindre, voire modifie celui-ci, il y a lieu de se questionner sur la pertinence de l’application de la loi du moindre effort…

Effort ne doit pas rimer avec souffrance, j’en conviens. D’ailleurs, l’expérience est remplie de situations où ça pourra être agréable, mais il y en aura aussi qui apporteront leurs lots d‘embûches. Par ailleurs, difficile pour moi, de conclure qu’un apprentissage, qu’un développement d’habiletés ou qu’un ajustement de comportement se fassent sans effort. Combien de grandes leçons de vie ont été réalisées dans l’adversité, lors de moments désagréables ou au travers de situations inconfortables ?

Cette loi du moindre effort, je l’observe de plus en plus lors de sessions de formation que j’anime. Par exemple, lorsque j’entends certains jeunes gestionnaires critiquer leurs supérieurs immédiats et vouloir rapidement occuper leurs fonctions de haut niveau sans avoir gravis les échelons, ni vécus multiples situations de gestion. Par exemple, lorsque certains gestionnaires ne veulent pas pratiquer, ni s’exécuter dans des mises en situation lors d’ateliers de formation, prétextant qu’ils ont bien compris et qu’ils n’ont pas besoin d’expérimenter avec leurs collègues, les techniques, les processus, les outils préalablement expliqués et démontrés.

Ces gestionnaires sont prêts à relever l’objectif d’occuper des fonctions de gestion plus importantes, mais ne reconnaissent pas l’importance d’investir temps et effort requis dans le développement et le perfectionnement de leurs compétences.

Ils seront de plus en plus nombreux en formation à vouloir accélérer leur processus d’apprentissage, à confondre la vitesse d’intégration du savoir, à celle du savoir-faire et savoir être et à se dire prêts à passer à la prochaine étape.

Nous, formateurs devrons alors être prêts à faire face à ce défi et leur rappeler que les meilleurs dans leur discipline, ont dû faire preuve de persévérance, d’acharnement, de patience, de ténacité… Et que pour développer des compétences, perfectionner des habiletés de gestion et améliorer des attitudes, la loi du moindre effort n’est pas applicable…