Il y a quelques mois, j’ai eu le plaisir de collaborer à un article sur les phrases que nous n’aimons pas entendre. L’auteure de l’article voulait connaître mon opinion sur la phrase: «Je ne veux pas te dire quoi faire, mais…». Cette phrase figurait parmi la liste des 26 phrases qui choquent les gens. Durant l’entrevue téléphonique avec l’auteure, j’ai tenté d’expliquer que dans notre quotidien, au travail, il arrive souvent que des irritants viennent de certaines tournures de phrases qui agressent insidieusement. Ces phrases toutes faites, nous les entendons souvent autour de nous. Parfois, nous en sommes les victimes puisqu’elles nous sont adressées.
Ce pourquoi nous n’aimons pas ces phrases, c’est parce qu’elles ont un double message: leur fin annule le début. Dans «Je ne veux pas te dire quoi faire, mais…», le mais vient annuler tout ce qui précède et ce que l’on perçoit ressemble plus à «Je ne veux pas te dire quoi faire, mais je vais quand même te le dire». Bref, le vrai message c’est «Je veux te dire quoi faire parce que je suis meilleur que toi». C’est comme si la personne qui l’utilise cherchait à déguiser son message pour le rendre moins désagréable à recevoir. Cette figure de style est inefficace puisqu’elle provoque quand même de l’insatisfaction chez l’interlocuteur.
Dans la liste de ces phrases énervantes qui faisaient l’objet de cet article, plusieurs d’entre elles comportent des doubles messages et c’est en partie pourquoi nous n’aimons pas les entendre. Il y a une phrase qui ne faisait pas partie de la liste, mais qui irrite beaucoup de gens en milieu de travail. En fait, c’est un tout petit bout de phrase qui passe souvent inaperçu lorsqu’on ne l’entend qu’une ou deux fois dans une conversation, mais qui finit par irriter lorsqu’elle revient souvent. Cette phrase c’est : «Oui… mais…».
Si lors d’une discussion, votre interlocuteur vous oppose souvent des «Oui… mais…», vous aurez l’impression que cette personne ne vous écoute pas. Si beaucoup de personnes n’aiment pas entendre cette phrase, c’est que son influence négative est insidieuse. Il semble que plus nous l’entendons et plus elle nous irrite. Pourquoi? Parce qu’elle envoie un double message qui est contradictoire: «Oui je comprends, mais je pense différemment». J’ai l’impression que les gens qui utilisent cette phrase fréquemment ne sont pas conscients de ce qu’elle provoque comme frustration chez les personnes de leur entourage.
Si l’on n’est pas d’accord, il est préférable de le signaler clairement plutôt que de tenter d’atténuer la situation par une phrase irritante. Il serait préférable de la compléter par quelque chose qui ressemble à: «Oui, je comprends ta façon de voir, mais de mon côté je crois que …». Ici la formulation permet d’exprimer à l’autre qu’il s’agit d’un différend. Mais on peut faire encore mieux. Idéalement, la reformulation serait une meilleure façon d’introduire notre point de vue différent. Si le «Oui… mais…» devient : «Si je comprend bien, tu penses que…. parce que…? De mon côté, je trouve plutôt que… parce que…». En utilisant une reformulation avant d’ajouter notre vision des choses, nous démontrons que nous avons écouté notre interlocuteur et que nous avons compris son argumentation. Notre interlocuteur ne sera pas irrité par un double message plus ou moins caché.
Bref, la communication interpersonnelle en milieu de travail est un processus complexe où les perceptions, les intentions et les émotions jouent un grand rôle. Le choix des mots n’est pas tout, mais c’est une des rares variables que nous contrôlons. En choisissant des expressions claires et respectueuses, il est beaucoup plus facile d’exprimer des désaccords sans avoir à les déguiser à partir de phrases à doubles messages. Nous y gagnons en crédibilité lorsque nous exprimons de cette façon nos valeurs, nos opinions et nos besoins, tout en respectant ceux des autres.