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Paradoxe du rôle conseil

Depuis que le travail organisé existe, il y a eu deux rôles toujours présents : l’exécution et la gestion. Ces deux rôles ont été les seuls présents en milieu de travail pendant des siècles, voire même des millénaires. Un troisième s’est ajouté il y a environ cent ans : le rôle conseil. Contrairement aux deux autres, ce dernier est un rôle paradoxal puisqu’il contient des dimensions aux finalités divergentes.

L’un de ces paradoxes est déconcertant, du moins pour les gestionnaires qui consultent leurs conseillers. En effet, les conseillers n’ont pas uniquement comme fonction de proposer des solutions et des façons de faire, ils ont aussi une fonction de gardien de politiques, de pratiques et/ou de systèmes administratifs relevant de leur unité administrative. La fonction conseil est généralement bien acceptée des gestionnaires. Cependant, la fonction gardien est souvent perçue comme un irritant important. Un gestionnaire peut entendre son conseiller chercher activement à l’aider dans un dossier et l’entendre lui reprocher certaines actions ou intentions dans un autre dossier. Pas étonnant que les gestionnaires soient parfois déroutés et même parfois méfiants devant ces changements d’attitude. D’ailleurs, ce phénomène explique en partie que certains gestionnaires préfèrent avoir recours à des conseillers externes, même lorsqu’il y a des conseillers internes qui pourraient réaliser le mandat. C’est simple, le consultant est entièrement conseiller, il n’a pas de mandat de gardien.

Cependant, nous savons tous que le conseiller ne peut proposer ou donner son accord à des pistes de solution ou des actions non conformes aux règles organisationnelles. Prenons un exemple, un conseiller en relations de travail peut-il aider un gestionnaire à aller à l’encontre de la convention collective signée par l’employeur? La zone d’intervention des conseillers internes peut donc les mener à intervenir soit comme conseiller soit comme gardien.

Le tableau suivant illustre les deux zones d’intervention du conseiller selon que la problématique se situe à l’intérieur ou à l’extérieur de certaines limites que je nomme paramètres d’intervention.

zones-intervention1

Je constate qu’en général, si ces paramètres sont clairs pour le conseiller, ils ne le sont pas pour le gestionnaire. De son point de vue, il s’adresse toujours au conseiller dans sa demande, jamais au gardien. Pour le gestionnaire, la frontière ténue que représentent les paramètres d’intervention n’existe pas.

Donc, premièrement le conseiller a l’obligation d’expliquer clairement la double fonction de son rôle à ses interlocuteurs. Deuxièmement, pour chaque mandat, il doit expliquer les paramètres d’intervention et en quoi son rôle passe d’une fonction à l’autre si la problématique abordée se situe d’un côté ou de l’autre de ces paramètres.

Troisièmement, les conseillers n’ont pas à se sentir gênés de leur fonction de gardiens et ils ne doivent pas tenter de l’atténuer ou de la cacher. Cependant, il faut faire comprendre aux gestionnaires que cette fonction de gardien ne s’exerce pas CONTRE le gestionnaire, mais bien POUR l’organisation. Cette situation serait plus facile si les conseillers avaientt une relation de partenaires avec leurs interlocuteurs, plutôt que l’inutile et frustrante relation fournisseur interne à client interne, comme je l’ai abordé dans un billet précédent (Je sais. Je me répète.).

Bref, ici comme dans beaucoup d’autres situations au travail, la communication demeure une composante majeure dans la réussite de la complémentarité des rôles, particulièrement lorsqu’il est question d’un rôle fondamentalement paradoxal. Après tout, un paradoxe est quelque chose qui semble contradictoire, mais dont la logique s’explique.