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Rôle conseil et influence

L’exercice du leadership pour celui ou celle qui occupe un rôle conseil au sein d’une entreprise peut avoir son lot de défis à relever. Présent dans les organisations pour supporter les opérations (« line ») et leur faire penser aux petits détails et à l’impact de certaines actions et décisions ainsi que pour leur venir en aide en apportant une expertise associée à leur domaine d’intervention (ressources humaines, IT, maintenance, ingénierie, marketing, etc.), le rôle conseil n’a que son autorité de compétence et ses habiletés interpersonnelles pour exercer efficacement son influence, ce qui veut dire concrètement qu’il devra au quotidien :

  • fournir des recommandations et offrir des conseils de qualité répondant aux besoins de ses partenaires internes qui leur permettra ultimement d’améliorer la performance organisationnelle (efficience et efficacité),
  • être proactif et déceler, voire anticiper les besoins futurs de ces mêmes partenaires,
  • utiliser des moyens créatifs pour promouvoir ses services,
  • agir en tant que gardien des procédures, politiques et/ou systèmes administratifs en place dans l’organisation et qui relève de son champ de compétence,
  • demeurer prêt des besoins de ses clients tout en maintenant des relations harmonieuses.

Il va de soi, que plus le client est satisfait, plus il aura recours aux services conseils. Le client peut atteindre un certain niveau d’autonomie, mais il sera toujours disposé à recourir aux services conseils s’il en a tiré satis­faction ou encore, à les référer à d’autres.

Crédibilité et visibilité sont donc les deux dimensions les plus utiles aux conseillers dans leurs interactions avec leurs interlocuteurs puisqu’ils sont à la source de la relation de confiance et d’influence qu’exerce le conseiller auprès de chaque personne des secteurs opérationnels avec qui il transige.

TYPE DE CLIENTS

Un autre aspect que doit considérer une personne exerçant un rôle conseil est le type de clients, ou plutôt partenaires comme dirait mon collègue Daniel (voir blogue du 21 septembre 2009), qu’elle doit desservir.

En effet, il arrive que le conseiller rencontre dans un même mandat, au sein d’une même unité administrative, des clients ayant des objectifs, des besoins et des intérêts divergents. Cette situation ne vient pas du fait qu’il y ait confusion chez les clients, mais plutôt du fait qu’il y ait potentiellement dans toute intervention de conseil, quatre types de clients  soit : le décideur, le payeur, l’usager et l’influenceur.

Le décideur est facile à identifier. Habituellement, il occupe un poste de gestion relativement élevé dans la hiérarchie. C’est cette personne qui prendra les décisions importantes en cours d’intervention. Il détermine le mandat, statue sur les ressources, choisit parmi les solutions proposées et accepte le plan d’actions.

Le payeur est parfois différent du décideur. C’est la personne qui alloue les budgets à la réalisation de l’intervention ou à l’implantation d’une solution. Ses préoccu­pations principales sont les coûts du projet et les gains de productivité attendus, voire le retour sur l’investissement.

L’usager est la personne qui utilisera les nouveaux systèmes ou outils mis en place lors de l’intervention d’un conseiller. Souvent ce sont les exécutants qui ont forcément des besoins et des attentes différents de membres de l’équipe de gestion.

L’influenceur est une personne qui possède une certaine connaissance de la pro­blé­matique et des solutions potentielles et qui est en mesure d’influencer le décideur.

À titre d’exemple, dans le cadre d’un mandat de formation destiné aux gestionnaires de premier niveau d’une organisation, le décideur pourrait être le directeur de l’usine ou des opérations, le payeur serait le propriétaire de l’organisation, les gestionnaires de premier niveau seraient les usagers bénéficiant des activités de formation et le directeur d’une autre usine ayant déjà formé ses gestionnaire serait l’influenceur.

Il va de soi et on peut l’imaginer, que si le conseiller se retrouve assis avec tous ces types de clients autour d’une même table, les préoccupations manifestées et besoins exprimés seront fort différents d’une personne à l’autre. S’il veut connaître du succès, le conseiller n’aura d’autres choix que d’adapter sa stratégie d’influence et de communication à chaque type de client.

Comme on le voit, le défi est parfois complexe pour le conseiller, mais bien avisé, il pourra mieux jouer son rôle et exercer l’influence attendue.

Paradoxe du rôle conseil

Depuis que le travail organisé existe, il y a eu deux rôles toujours présents : l’exécution et la gestion. Ces deux rôles ont été les seuls présents en milieu de travail pendant des siècles, voire même des millénaires. Un troisième s’est ajouté il y a environ cent ans : le rôle conseil. Contrairement aux deux autres, ce dernier est un rôle paradoxal puisqu’il contient des dimensions aux finalités divergentes.

L’un de ces paradoxes est déconcertant, du moins pour les gestionnaires qui consultent leurs conseillers. En effet, les conseillers n’ont pas uniquement comme fonction de proposer des solutions et des façons de faire, ils ont aussi une fonction de gardien de politiques, de pratiques et/ou de systèmes administratifs relevant de leur unité administrative. La fonction conseil est généralement bien acceptée des gestionnaires. Cependant, la fonction gardien est souvent perçue comme un irritant important. Un gestionnaire peut entendre son conseiller chercher activement à l’aider dans un dossier et l’entendre lui reprocher certaines actions ou intentions dans un autre dossier. Pas étonnant que les gestionnaires soient parfois déroutés et même parfois méfiants devant ces changements d’attitude. D’ailleurs, ce phénomène explique en partie que certains gestionnaires préfèrent avoir recours à des conseillers externes, même lorsqu’il y a des conseillers internes qui pourraient réaliser le mandat. C’est simple, le consultant est entièrement conseiller, il n’a pas de mandat de gardien.

Cependant, nous savons tous que le conseiller ne peut proposer ou donner son accord à des pistes de solution ou des actions non conformes aux règles organisationnelles. Prenons un exemple, un conseiller en relations de travail peut-il aider un gestionnaire à aller à l’encontre de la convention collective signée par l’employeur? La zone d’intervention des conseillers internes peut donc les mener à intervenir soit comme conseiller soit comme gardien.

Le tableau suivant illustre les deux zones d’intervention du conseiller selon que la problématique se situe à l’intérieur ou à l’extérieur de certaines limites que je nomme paramètres d’intervention.

zones-intervention1

Je constate qu’en général, si ces paramètres sont clairs pour le conseiller, ils ne le sont pas pour le gestionnaire. De son point de vue, il s’adresse toujours au conseiller dans sa demande, jamais au gardien. Pour le gestionnaire, la frontière ténue que représentent les paramètres d’intervention n’existe pas.

Donc, premièrement le conseiller a l’obligation d’expliquer clairement la double fonction de son rôle à ses interlocuteurs. Deuxièmement, pour chaque mandat, il doit expliquer les paramètres d’intervention et en quoi son rôle passe d’une fonction à l’autre si la problématique abordée se situe d’un côté ou de l’autre de ces paramètres.

Troisièmement, les conseillers n’ont pas à se sentir gênés de leur fonction de gardiens et ils ne doivent pas tenter de l’atténuer ou de la cacher. Cependant, il faut faire comprendre aux gestionnaires que cette fonction de gardien ne s’exerce pas CONTRE le gestionnaire, mais bien POUR l’organisation. Cette situation serait plus facile si les conseillers avaientt une relation de partenaires avec leurs interlocuteurs, plutôt que l’inutile et frustrante relation fournisseur interne à client interne, comme je l’ai abordé dans un billet précédent (Je sais. Je me répète.).

Bref, ici comme dans beaucoup d’autres situations au travail, la communication demeure une composante majeure dans la réussite de la complémentarité des rôles, particulièrement lorsqu’il est question d’un rôle fondamentalement paradoxal. Après tout, un paradoxe est quelque chose qui semble contradictoire, mais dont la logique s’explique.

Éliminez les clients internes!

Dans la littérature en gestion, tout comme dans le vocabulaire du milieu du travail, le terme client interne est très utilisé. Pour l’entreprise, il sert à véhiculer une orientation-client dans les différentes unités administratives de support et à mettre en place des comportements attendus chez un fournisseur. Même si à l’origine les intentions visées étaient louables, l’introduction de la relation client-fournisseur entre les différents services d’une même entreprise a souvent dérapé des buts poursuivis.

Dans notre session de formation sur l’exercice du rôle conseil en milieu organisationnel, les participants proviennent d’unités administratives de support telles que : ressources humaines, informatique, approvisionnements, ingénierie, comptabilité, etc. La majorité d’entre eux éprouvent des difficultés avec cette relation de fournisseur à clients. Ils considèrent que souvent les « clients internes » ont des exigences exagérées et que la relation se fait aux dépens du fournisseur interne, de qui on exige plus que d’un fournisseur externe.

Il faut reconnaître que, dans les faits, la relation client-fournisseur pose souvent problème à l’interne et que les échanges sont souvent insatisfaisants pour l’une ou l’autre partie ou pour les deux. J’entends souvent, en formation ou en consultation, des expressions comme dialogue de sourds, mur d’incompréhension et parfois même confrontation.dialogue de sourds La production se plaint des promesses irréalistes des ventes, l’informatique se plaint des demandes exagérées des usagers, la comptabilité se plaint du non-respect de la procédure par les autres services, la maintenance considère que la production s’attend à des délais de réparation impossibles à rencontrer et, finalement, le service des ressources humaines est trop tolérant lors des mesures disciplinaires.

Beaucoup de conseillers et de conseillères éprouvent des difficultés à fonctionner dans un tel climat. Lorsqu’ils s’en plaignent à leurs supérieurs ou à leurs interlocuteurs, on leur répond qu’ils sont des fournisseurs internes au service de clients internes et que cette relation provoque souvent ce type de difficultés avec lesquelles ils doivent apprendre à composer.

À mon avis, la principale cause de cette problématique vient du fait que cette relation de fournisseur interne à client interne ne se fait pas d’égal à égal. Bien souvent, la relation prend l’allure d’un rapport de forces et elle devient une relation supérieur – inférieur. La notion de client interne m’apparaît inutile, parce qu’elle génère une relation qui suppose une inégalité entre les personnes et entre les unités administratives. Certaines devant être au service des autres.

C’est à partir du moment où l’on exige que certaines unités administratives soient au service des autres que l’on ouvre la porte aux difficultés relationnelles. À mon avis, toutes les unités administratives sont au service de l’organisation et sont donc des partenaires. Si on véhiculait le partenariat plutôt que la notion de client interne, non seulement on obtiendrait de meilleurs résultats, mais en plus on éliminerait beaucoup d’irritants pour les différents intervenants. En effet, des partenaires sont des personnes qui s’associent, qui partagent des objectifs communs, même si la répartition des rôles appelle à des contributions différentes. De plus, il est sûrement plus valorisant d’être le partenaire de quelqu’un que d’être son fournisseur interne.

Bref, en éliminant les clients internes et les fournisseurs internes pour les remplacer par des partenaires, l’entreprise y gagnera en efficacité, en efficience et en climat de travail.